Préambule :
S’il existe bon nombre de sportifs amateurs qui ont choisi de suivre un régime végétarien voire végétalien, nous avons eu envie de vous présenter des athlètes qui concilient sport de haut niveau et végétarisme. C’est ainsi que nous avons pris contact avec l’ensemble des fédérations sportives agréées par la région Wallonie-Bruxelles.
Avant donc de faire connaissance avec ces sportifs, nous souhaitons remercier ici celles qui ont eu la gentillesse de nous répondre (elles sont rares, puisqu’à peine 4 sur 39 ont pris la peine de le faire) même si, à leur connaissance, à l’instar de Monsieur Fauthoux de la fédération de squash, il n’existe personne au sein de leur corporation suivant un tel régime alimentaire.
Pointons aussi la réponse pour le moins saugrenue de la fédération de cyclisme, puisque celle-ci fut anonyme avec le slogan « Sportifs, mangez de la viande », et un lien qui renvoyait vers une boucherie !
Qui sont-ils ?
A la fin des années 70, sortit « Rencontre du 3ème type ». Plus de trente ans plus tard, nous vous proposons « Rencontre avec 3 types », à qui nous souhaitons de rencontrer le même succès.
Antoine, Florian et Sébastien ne savent pas garder leurs pieds sur le plancher des vaches. En effet, tous trois excellent dans l’escalade. Si Florian est plutôt un adepte de l’escalade hors compétition et ne cesse de rechercher les falaises ;Sébastien, quant à lui, a été champion de Belgique en 2014 et cumule également plusieurs podiums dans le domaine de la course à pied. Enfin, Antoine fait partie intégrante de l’équipe nationale d’escalade et a pris part à la saison de coupe du monde en 2014. Pour atteindre un tel niveau, ils s’entraînent tous entre 20 & 30 heures par semaine !
Antoine et Sébastien sont étudiants en éducation physique à l’Université de Louvain-la-Neuve (en 2ème master pour Sébastien et 1ère bac pour Antoine, qui a choisi cette voie après une totale réorientation), pendant que Florian achève son cycle d’architecture.
Agés de 22 ans, ils sont devenus végétariens plus ou moins à la même époque, c’est-à-dire en octobre-novembre 2013. Ils incarnent donc pleinement la nouvelle génération de végétariens.
Pourquoi ?
Les raisons qui les ont poussés vers le végétarisme sont différentes.
Si habituellement, trois thèmes principaux sont évoqués pour expliquer ce régime alimentaire (sensibilisation à la cause animale, préoccupation écologique ou encore un intérêt relatif à la santé), Antoine nous en apprend un quatrième : à cause ou grâce à un pari !
Relevant un défi avec un ami de se nourrir sans viande pour une période de 3 mois, il a constaté qu’il était très facile de s’en passer. Il a poursuivi son effort, soucieux d’une part, d’apporter sa pierre à l’édifice en matière de préservation de l’environnement et d’autre part, de rester à l’écoute de la cause animale. La motivation au fond est notre environnement, alors que le côté émotionnel touche aux animaux. Au final, c’est un pari totalement réussi !
Après discussion et après avoir vu des reportages sur l’impact de la consommation de viande sur notre planète, en particulier sur l’état de la famine sur le continent africain, Sébastien a décidé de se passer de viande.
Pour Florian, après un stage d’une semaine en compagnie d’un athlète végétarien, il a lui aussi observé combien c’était aisé de faire sans viande. C’est ainsi qu’il a commencé à cuisiner d’autres produits, et trouve même cela intéressant, même si des interrogations se sont présentées du point de vue de la santé. Le thème de la cause animale est venu s’ajouter ultérieurement, après avoir vu des reportages télés.
Végé-out ?
Chacun connaît le principe du coming out, qui consiste en l’annonce volontaire d’une orientation sexuelle ou d’une identité de genre. Par extension, nous pourrions être tentés de transposer ce principe au végétarisme, étant entendu qu’il s’agit d’une annonce publique de toute caractéristique personnelle. Nous le nommerons « végé-out ».
Si pour certains, « faire son coming-out » demande beaucoup d’efforts, il n’en est rien pour nos trois amis en ce qui concerne leur végé-out. Bien au contraire.
Sébastien assume pleinement son choix et ses responsabilités, en discutant autour de lui et en développant son argumentation, axée sur l’environnement. C’est ainsi que, aidé d’une sœur et d’un frère devenus végétariens à la même époque, il a su convaincre ses parents de le devenir. Ces derniers ont discuté et ont pris conscience des arguments de leurs enfants.
Issu d’une fratrie comportant un frère et deux petites sœurs, dont l’une est devenue végétarienne en novembre 2015, Florian doit faire face au scepticisme de ses parents, lesquels du reste ont diminué leur consommation de viande et restent ouverts à toute discussion en la matière.
Enfin, Antoine suscite le débat à chaque week-end lorsqu’il rentre de son kot au domicile parental et, sans mauvais jeu de mots, cela porte ses fruits. Au départ, il faut dire que ses parents étaient très réservés sur le sujet (« ça ne sert à rien »). Pourtant, à force de discussion et bien que ses parents soient toujours omnivores, il a observé un réel changement dans leur mentalité, puisqu’ils évoquent autour d’eux le végétarisme, ce qui traduit à leur manière leur prise de conscience. Avec ses parents, Antoine plaide davantage sur base de la cause animale car, estime-t-il, c’est plus difficile pour ses parents de se projeter dans 30 ans et d’envisager l’état de la planète à ce moment-là que pour une personne de sa génération.
Végéphobie ?
Aucun de ces trois athlètes pratiquant un sport d’endurance ne ressent une quelconque crainte, notamment au niveau des protéines suite à leur végétarisme, même si Sébastien a suivi et terminé un régime complémentaire spécifique (en fer) durant 5 à 6 mois, et aucun d’eux ne ressent davantage l’envie de remanger de la viande.
Le mythe des carences n’a pas tenu longtemps devant leurs résultats et avec leur entraîneur, il existe une confiance mutuelle, dans la mesure où c’est avant tout le sportif qui se prend lui-même en charge. L’éveil et le regard du coach demeurent toutefois en alerte, en cas de fatigue anormale ou de baisse de niveau, n’ayant pas comme origine une blessure physique.
En outre, Florian souligne qu’en tant que grimpeurs de voie (un des trois disciplines de l’escalade), les escaladeurs ont un rapport direct avec la nature, ce qui facilite la sensibilisation environnementale. La configuration des lieux, étant donné qu’il leur arrive très souvent de dormir sous tente, impose aussi une acclimatation à la nature.
Pour les autres athlètes, ils sont soit curieux ou mieux, ils s’adaptent. En effet, comme le souligne Sébastien, lors de stages, c’est davantage le sportif omnivore qui prend le pli de ne pas manger de viande, et ce, sans le moindre inconvénient. Il est vrai que devant les difficultés à escalader, les grimpeurs portent une attention toute particulière à leur poids, de telle sorte qu’il s’agit plus d’une approche diététique qu’éthique fait remarquer Antoine, lequel conclut le sujet en pensant que, selon lui, les grimpeurs de haut niveau ont réduit leur consommation de viande et possèdent déjà une hygiène de vie équilibrée.
L’adaptation dans la vie courante vaut tout autant, vu que le choix du restaurant revient généralement à celui qui a décidé de ne plus manger de viande. A dire vrai, il faut noter à ce propos que de plus en plus de restaurateurs proposent des plats végétariens, ce qui traduit derechef une adaptation au monde végétarien, bien que pour ces derniers, ce soit le plus souvent par esprit mercantile.
A propos de cantine, nous noterons l’anecdote culinaire relatée par Sébastien. L’action se passe en Espagne (Gijon)à l’occasion du championnat du monde en septembre 2014.
Notre champion remarque une lasagne verde sur le menu et s’enquiert auprès du cuistot de la présence de viande, en posant la question « No carne ? ». Satisfait de la réponse négative reçue, il entame la dégustation de son plat.
Après quelques bouchées seulement, il attire l’attention du cuisinier sur des tranches de jambon. Sa réaction fut « Carne es no jamon » !
Conséquence sur leurs résultats ?
Sans jusqu’à affirmer que c’est grâce à son végétarisme (puisqu’il ignore s’il y a un lien de cause à effet), Sébastien relève que sa période la plus faste au niveau sportivement parlant jusqu’à présent coïncide avec son changement alimentaire. Végétarien depuis novembre 2013, ses meilleurs résultats courent sur la période de mars à juillet 2014, avec un titre de champion de Belgique en escalade à la clé et des progrès probants dans le domaine de la course à pied. En résumé, il dit : « j’étais plus fort à tous les niveaux ».
Antoine aussi a dû observer que ses résultats ont explosé, tout en mettant plutôt l’accent sur une meilleure assiduité à l’entraînement et à une discipline plus forte. Son végétarisme lui apporte une aide de nature psychologique : il se sent mieux dans sa tête car il sait qu’il fait quelque chose de bien et par conséquent, il se sent mieux dans son corps. Bref, l’adage : » anima sano in corpore sano ».
Florian termine en disant que ces deux facteurs combinés, à savoir l’alimentation végétarienne et l’entraînement, sont à la base de leurs résultats actuels.
Aller plus loin ?
La cohérence et la logique prédominent dans l’esprit de ces trois jeunes végétariens, étant entendu que la possibilité d’embrasser un régime végétalien est réelle et probable. Néanmoins, à ce stade-ci, des obstacles de nature variée ne leur permettent pas de la concrétiser.
Sébastien et Florian mettent en avant par exemple le fait que leurs colocataires respectifs font déjà des efforts en essayant de s’adapter lors des repas communs, de telle sorte que, dans le chef de ces mêmes colocataires, s’accoutumer à un régime végétalien serait sans doute au-dessus de leurs forces.
Par ailleurs, comme le relève Antoine, pour un étudiant, le critère financier est également un frein à ce développement et il n’occulte pas non plus le critère de commodité pour expliquer le fait de ne pas être végétalien actuellement.
Du point de vue de leur sport, il est important de noter qu’une information leur est primordiale pour acquérir les bons réflexes et connaître les aliments les plus appropriés. La peur de rencontrer des « coups de down » ou de fringale tient plus de leur méconnaissance actuelle en matière de nutrition végétalienne que cette dernière en elle-même.
Après nous …
S’il leur arrive d’avoir des enfants, aucune imposition ou obligation ne sera faite à l’enfant. Ils respecteront le choix qui sera fait par ce dernier. Nous pouvons en tout cas faire remarquer que la copine d’Antoine est également végétarienne, si bien que le chemin semble déjà tout tracé …
Si le régime alimentaire ne sera pas imposé, tous éprouvent en revanche le besoin d’informer, d’éduquer et de sensibiliser l’enfant qui viendrait à voir le jour, ce qui en réalité est l’affaire de nous tous quel que soit l’âge de notre interlocuteur.
Conclusion :
En guise de fin, ces athlètes pensent que plusieurs composants expliquent les limites de l’expansion du végétarisme de nos jours.
Tantôt il s’agit d’une question de mentalité, tantôt de sensibilisation ou encore, l’ignorance des alternatives (pour la plupart, les protéines pauvres en graisses se résument à du thon, du blanc de poulet, ou de la dinde).
L’éducation reçue (« mange de la viande mon fils ») explique aussi la situation dans nos habitudes alimentaires actuelles, si bien que les gens ne sont pas prêts ou n’ont pas le courage de franchir le pas. Il ne tient qu’à nous de les informer et le reste viendra, en toute logique, de lui-même.
Nous espérons que vous aurez apprécié la découverte de ces jeunes végés en herbe et vous donnons d’ores et déjà rendez-vous lors de notre prochain numéro. A cette occasion, nous vous réservons une surprise, qui coupera court à beaucoup d’idées reçues …
[1] Les informations reprises dans le présent article proviennent d’une rencontre organisée le dimanche 10 janvier 2016 au centre sportif du Blocry de Louvain-la-Neuve.