Que vous soyez végétarien, vegan, ou simplement curieux, cela n’a pas d’importance, tout le monde est convié à déguster les saucisses, rillettes et autres produits aux appellations bouchères de Bouche B. Mais ne vous laissez pas avoir, dans les assiettes ça sera des protéines végétales, légumineuses, céréales et légumes de saison. Partez à la découverte d’un univers végétal dont les produits titilleront vos papilles. Rencontre avec Sen-Rei la créatrice de la première boucherie végétale, respectueuse des animaux et de l’environnement, à Bruxelles.
Comment est-ce que tout a commencé ?
Végétarienne depuis ses 17 ans, rien ne prédestinait Sen-Rei à la cuisine « j’ai travaillé dans la finance, puis dans la microfinance ». C’est lors d’un voyage au Nicaragua que l’idée du projet de boucherie végétale est née, « c’était très intéressant, parce que c’est un pays de viande, et j’étais partie pour travailler avec une coopérative de marchands de haricots rouges, il fallait collaborer, comprendre (et manger !) les haricots ».
De retour de voyage, l’idée commence à faire son chemin, « j’ai commencé à me demander ce que je peux faire avec le quinoa ou les haricots, je me suis rendue compte qu’il y a de nombreuses possibilités de création ». Et les créations justement, il faut les faire goûter, pour avoir l’avis des proches qui semblaient apprécier les produits, c’est pourquoi « de fil en aiguille j’ai arrêté de travailler dans la finance pour porter un projet qui correspond à mes valeurs ». Ecologie, recyclage, zéro déchet, respect des saisons, fraicheur des produits, c’est un travail de recherche constant. Mais, ce projet c’est aussi l’histoire d’une reconversion professionnelle.
« Etre entrepreneur et faire de la cuisine c’était nouveau pour moi, j’ai fait des formations, des ateliers, il faut aussi comprendre l’alimentation durable, le travail des maraîchers, la transformation de produits de saison. »
L’appellation osée de Boucherie.
Le choix du terme Boucherie est interpellant, peut-être même provocateur mais ce choix est né d’un croisement entre un questionnement et une constatation. Pourquoi est-ce que le mot boucherie doit-il être réservé à ceux qui mangent de la viande ? Et le fait est que « aujourd’hui, avec l’alimentation durable, il nous faudra reconcevoir différemment la boucherie. L’idée est alors de revisiter le concept de la boucherie, de jouer sur les mots, sur l’imagination. En fin de compte, derrière les produits ce ne sont pas des rillettes ou des terrines mais des créations ». Quoi qu’il en soit, cette boucherie a la particularité de respecter les animaux et l’environnement, elle invite à réfléchir, et à remettre en question nos habitudes.
Sensibiliser par la nourriture.
Finalement Bouche B nous montre que l’alimentation végétale est possible, mais ce n’est pas tout, le projet se veut holistique et réfléchit sur les enjeux alimentaires actuels.
« On peut sensibiliser à travers l’alimentation, manger végétarien, sainement, mais aussi connaitre la provenance de tes haricots, qu’est-ce que c’est manger local, quels sont les impacts de la consommation ? Les problématiques sont nombreuses, on parle de conditions de travail des producteurs, d’épuisement des nappes phréatiques, d’un ananas qui fait 7 fois le tour de la terre pour atterrie dans ton assiette. C’est la réflexion autour de tout ça qui est passionnant dans ce projet. »
Bouche B nous prouve aussi que l’alimentation végétale est variée et équilibrée. « Je me rappelle quand je suis devenue végétarienne ma mère me disait : tu vas avoir des carences », ici l’idée est de rendre accessible des protéines végétales mal connues dans notre culture alimentaire. « C’était aussi intéressant de jouer sur des produits préparés comme dans une boucherie, tu rentres chez toi et tu mets ça avec ton stoemp, (…) parce que quand tu parles de haricots ce n’est pas glamour, mais une fois que la préparation est faite, les gens sont plus intéressés, ils se disent que c’est pas si fade. Et puis c’est nourrissant les légumineuses, tu dépasses l’idée que les végétariens mangent de la salade. »
Bouche B v.s simili carné.
L’offre de steak végétaux ne cesse d’augmenter, parfois leur goût et leur texture ressemblent étrangement à celle de la viande mais comme Sen-Rei le dit si bien, « le but ce n’est pas de faire des similis carnés, ça existe déjà ! Puis je me souviens quand j’étais ado, ma mère m’a dit : j’ai trouvé un temple bouddhiste où ils font du bœuf sans bœuf, du porc sans porc, je trouvais ça nul. » Chez Bouche B on ne propose pas de réel substitut mais plutôt des créations, des propositions. Sen-Rei Wu explique « j’ai envie de travailler sur des saveurs, des textures, des arômes, des épices ». Au menu donc préparations végétales goûtues et élaborées avec soin, dans le respect de l’environnement et du consommateur et le tout dans un esprit artisanal.
Mais d’où viennent tous ces bons produits ?
Les légumes et légumineuses qui composent les préparations sont tous biologiques. Bouche-B traite avec des maraîchers locaux, d’autres produits viennent du marché des Tanneurs, où d’épiceries biologiques.
« La première année j’ai eu beaucoup de questions : il faut que ça soit local, biologique et bien évidemment végétal, on ne peut pas tout avoir (…), pour moi cela doit tout de même rester en Europe. C’est beaucoup de recherches, je trouve mes produits dans des petites productions et je m’adapte. Par exemple toute à l’heure j’ai livré un pain de viande que j’ai décliné avec des légumes racines. Le mois prochain il sera peut-être à la lavande ou aux pleurotes, l’idée c’est de rester un maximum dans le local. ». Des produits locaux donc dans la mesure du possible. Pour les épices c’est plus compliqué de les trouver localement, mais elles sont issues du commerce équitable et le plus souvent biologiques. Une chose est sûre, chaque élément des produits de Bouche B a été soigneusement sélectionné.
Et pour se procurer les préparations ?
Bouche B a son e-shop depuis le mois de mars, vous pouvez donc passer commande. « C’est un peu comme les paniers bio, tu commandes et ton petit colis arrive. Pour l’instant j’ai 6 partenaires qui sont à Ixelles, Saint-Gilles et au centre-ville. Le but est de les étendre mais c’est un début. On est dans une phase de test. » En plus des possibilités de commande Bouche B est présent chez Belgo Markt « où les produits sont disponibles à la découpe dans leur comptoir frais ».
Si vous chercher à en savoir plus sur Bouche B, Sen-Rei est présente « deux fois par mois à l’Heureux Nouveau, un marché à Saint-Gilles. Cela me permet d’aller à la rencontre des personnes, de communiquer, de discuter, parce que c’est important pour moi que les gens comprennent le message derrière le projet. Ce n’est pas seulement le vendre, c’est aussi de la sensibilisation ». Bouche B nous invite alors à nous questionner sur le contenu de nos assiettes, sur la possibilité de cuisiner des produits méconnus.
« Pour moi c’est une belle opportunité de rencontrer des gens, parce que ce n’est pas seulement la production qui m’intéresse mais c’est de pouvoir rencontrer des gens, discuter avec eux. »
Et Bouche-B dans le futur ça donne quoi ?
« Je m’imagine déjà une boucherie avec une décoration totalement végétale, je veux quelque chose de cohérant. C’est aussi pour ça que j’utilise le terme végétal et pas vegan ou végétarien. » En effet, Bouche-B se veut être un projet englobant, ouvert à tous, même si « on ne peut pas plaire à tout le monde, je sais que les pro-véganes ils sont contre l’appellation boucherie, les autres qui mangent beaucoup de viande ce n’est pas leur truc parce que les textures ne ressemblent pas (…) mon challenge c’est de sensibiliser les gens à l’écoute et ouvert. »
Bouche B se construit à petits pas et vise à être le premier établissement qui abrite une boucherie 100% végétale, « un petit établissement, où tout est frais, et qui recherche une cohérence, tant dans la provenance, la préparation ou encore l’emballage des produits ». En attendant, régalons nous avec les produits disponibles sur l’e-shop.
www.bouche-b.be